[coin lecture] avril/mai 2019
Petits secrets, grands mensonges - Liane MORIARTY
Cela devait faire plus d'un an que ce roman trainait dans ma pile à lire mais je ne trouvais pas le bon moment pour le commencer. Un des premiers dimanches de beau temps, je l'ai attrappé : le moment devait être venu car une fois commencé, impossible de le lâcher ! C'est donc d'une seule traite que je l'ai lu...
Dans une petite ville australienne en bord de mer, quelqu'un est mort durant une soirée à l'école du secteur. Le point de départ peut sembler classique mais finalement, il n'y aura bien que cela de classique ! J'ai beaucoup aimé la construction du récit qui repart immédiatement dans le passé à quelques jours de la rentrée scolaire, où les protagonistes vont faire connaissance. Il se déroule ensuite chronologiquement avec juste quelques indices relatifs aux derniers évènements en fin de chapître sous forme d'audition/interview. On n'apprendra l'identité de la personne décédée qu'à la fin et au fil du roman, j'ai échaffaudé plusieurs scénarios.
La galerie des personnages est à la fois caricaturale et juste.. .Quiconque a déjà fréquenté une école en tant que parent retrouvera les principaux archétypes. L'autrice a cette façon habile de traiter avec légèreté des sujets sociétaux graves, sans les rendre moins percutants.
J'ai passé un bon moment avec ce roman, et il fait partie de mes coups de coeur de ce début d'année 2019 !
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La griffe du chat - Sophie CHABANEL
Voici un petit roman policier attrappé chez mon libraire car j'ai été attirée par la couverture ! Au final, une très jolie surprise, sans prétention mais qui fait mouche.
La commissaire Romano est confrontée à un meurtre doublé d'une disparition de chats dans le bar à chats le plus en vue de Lille. A partir de là, toute une galerie de personnages décalés défile devant nous pour une enquête un brin loufoque.
Je l'ai lu le sourire aux lèvres. C'est cynique et c'est beaucoup plus subtil qu'on pourrait l'imaginer à la lecture de la quatrième de couverture.
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La guerre des pauvres - Eric VUILLARD
D'Eric Vuillard, j'avais lu L'ordre du jour l'an dernier. De nouveau, c'est un récit que l'auteur nous livre. Celui-ci est extrêmement court, à peine 70 pages.
Dans La guerre des pauvres, Eric Vuillard nous entraîne sur les traces d'une révolte populaire débutée dans le sud de l'Allemagne en 1524, et s'étant étendue en Suisse et en Alsace. Dans une période marquée par la toute récente Réforme protestante, la figure de Thomas Müntzer émerge. Ce prédicateur puise dans la Bible la justification d'une rébellion sociale. Subversif, il s'exprime lors de ses prêches mais aussi dans de véhéments courriers aux dirigeants et dignitaires, représentants du pouvoir. Son verbe incisif convainc des milliers de laissés-pour-compte de le suivre, jusqu'à une ultime bataille aux portes de Mulhouse, s'achevant en véritable massacre.
L'écriture d'Eric Vuillard est vive, alerte et nous entraine à la suite de Müntzer. L'esprit radical du pasteur prend vie dans des phrases au rythme haletant. Nous sommes pris dans un tourbillon effréné dont l'issue ne peut qu'être fatale.
La réflexion sur l'origine des révoltes populaires est intéressante. Toutefois, la digression sur les révoltes anglaises et en particulier la Révolte des Paysans de la fin XIVe siècle arrive de façon un peu bancale, sans lien tangible avec les évènements allemands en dehors d'un ras-le-bol des agissements des seigneurs.
Par ailleurs, Müntzer fait de nombreuses références bibliques qu'Eric Vuillard reprend telles quelles. Je ne crois pas qu'un lecteur qui n'aurait pas ces références comprendrait toute la portée des harangues du prédicateur.
Eric Vuillard nous entraine une nouvelle fois dans les méandres de l'Histoire et nous invite à mettre en parallèle le monde d'aujourd'hui avec le monde d'hier (sans oublier qu'en l'occurrence, cette révolte allemande avait déjà fait l'objet de travaux de Friedrich Engels et d'Ernst Bloch, tous deux théoriciens du socialisme à l'aube du XXe siècle). Toutefois, le format très court m'a donné une impression de survol du sujet, dommageable à la qualité de l'écriture.
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Diskø - Mo Malø
Une baie au Groenland dans laquelle un glacier vêle de gros icebergs. Un cadavre au milieu d'un iceberg à la dérive. Le décor est planté !
Le chef de la police locale, le danois Qaanaaq Adriensen, est en première ligne avec son adjoint inuit Apputiku Kalakek. A eux deux, ils résument la complexité de la géopolitique de l'île écartelée entre ses racines et les colons scandinaves.
Différents, heurtés par la vie, amis, ils doivent avancer ensemble dans cette enquête qui les touche chacun de façon personnelle et les ébranle un peu plus. Qaanaaq en particulier doit faire face à de vieux démons et affronter son passé, aux limites de la folie.
Au rythme des photos prises par le danois, l'enquête avance dans un pays où la nature rude souffre du réchauffement climatique, où le tourisme se fait de plus en plus pressant, où les traditions ancestrales sont menacées.
Je l'ai lu d'une traite, littéralement happée par l'intrigue et la narration. La construction est classique, mais efficace.
Et pour ceux qui se demandent s'il faut avoir lu le premier opus des enquêtes de l'inspecteur Qaanaq pour apprécier celui-ci, ma réponse est non, pas du tout !
L'auteur (ou son éditeur) a pensé judicieux d'ajouter une liste des personnages, pensant que le lecteur francophone serait dérouté par les noms danois et groenlandais. Il est dommage que cette liste révèle beaucoup des éléments de l'intrigue et je suis ravie de ne l'avoir consultée qu'après ma lecture de l'ouvrage.
A noter : l'auteur n'est absolument pas scandinave comme le laisserait penser son nom, qui est en fait un pseudonyme... Il est français et cela influence très certainement son écriture et sa vision du Groenland.
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